top of page

Nafsi marziyye

6ème et avant-dernier degré du nafs, Nafsi marziyye représente l’âme agréé par Lui.

 

Comme les autres degrés, Nafsi marziyye comporte plusieurs paliers que nous allons détailler dans les lignes qui suivent.

Note importante : chaque mouride vit son Nafsi marziyye (tout comme les autres maqams du nafs) à sa propre manière. Les écrits soufis généralisent les degrés du nafs, alors qu'ils diffèrent en fonction du tempérament propre du cheminant. Il existe sur terre autant de maqams du nafs que d'individus.

 

Les débuts de Nafsi marziyye

 

Le Fana Fillah démarre à Nafsi moutmainn. De Moutmainn à la fin de Radiyye, c’est un Fana qui se manifeste par la contemplation des fragments de l'essence divine (nous parlons de fragment parce qu'il est impossible pour un homme d'avoir accès à la vision totale de l'essence divine en cette vie). Les fragments de l'essence essentiellement contemplés sont la Beauté, la Royauté, et la Majesté. Si à Moutmainn le cheminant doit faire des efforts pour contempler, à Radiyye la contemplation devient une habitude. C’est une contemplation naturelle et simple qui ne demande aucun effort particulier.

 

Sauf qu’à Marziyye, le cheminant passe de la contemplation des fragments de l'essence à la vision des attributs divins qui prennent des formes distinctes. Ce n’est plus une contemplation floue, mais une vision nette et précise.

 

C’est précisément ici que le cheminant réalise le verset coranique « nous sommes plus proches de l’homme que sa veine jugulaire ».

 

C’est la demeure de la perplexité, puisque l’aspirant n’est pas prêt à voir une autre réalité divine qu’on lui avait proposé jusqu’alors. En effet, les religions monothéistes proposent la vision d'un Dieu père et roi qui châtie les criminels et récompense les croyants. C’est juste. Mais cela concerne seulement un attribut parmi tant d’autres.

 

De cette vision, il reçoit l’annonce que ses efforts ont été acceptés, et qu’il compte dorénavant parmi les bienheureux jouissant à souhait de Sa proximité et de Son amour. Bien évidemment, les mots ne sauront jamais décrire avec exactitude les secrets que les attributs divins lui font part. 

 

Les formes prisent par les attributs varient de personne à personne. En fait, ce sont des attributs conçus spécialement pour chaque croyant. L'aspirant contemple alors les attributs divins se manifester chez l'ensemble des créatures qu'il rencontre.

 

Si la contemplation des fragments de l'essence divine s’opérait par l’oeil du cœur, la vision a lieu via la plateforme imaginale (à ne pas confondre avec imaginaire) tout comme au Fana Fi Rassoul où le cheminant voyait la lumière prophétique mohamedienne dans tout ce qui l’entourait.

 

Il faut un temps d’adaptation aux visions des attributs. Je pense sincèrement que le Fana Fi Rassoul, quelque part, prépare bien le cheminant à cette nouvelle réalité que la Voie lui impose. 

 

Mais généralement, au départ on ne se maintient pas parfaitement dans ce degré. Je m’explique...Si le croyant est félicité durant ses visions pendant quelques jours, mais que par la suite cet état disparaît, ça voudrait dire qu’il a vécu cet éveil uniquement par la grâce du cheikh.

 

Mais si ces visions des attributs le félicitant persistent pendant des semaines voir même des mois, à ce moment-là nous pouvons conclure qu’il ne s’agit plus d’un état spirituel (hal) mais bel et bien d’un degré (maqam) que le cheminant a obtenu.

 

Les débuts de Nafsi marziyye peuvent être éprouvants parce que l’on attend du saint un semblant de perfection dans son travail de pacification du nafs. Ce qui était auparavant toléré, l’est moins à ce degré. Cela diffère de cheminant à cheminant, puisque chacun a ses propres démons. Ici on attend de lui qu’il achève complètement toutes ses peurs, ses attentes, et autres mémoires poisons. Tant qu’il ne le fera pas, son Nafsi marziyye ne sera jamais parfait.

 

C’est pourquoi il y a deux catégories de saint à Nafsi marziyye :

 

- ceux dont le Nafsi marziyye est imparfait;

- ceux dont le Nafsi marziyye est parfait. Ces derniers peuvent passer à l’ultime étape.

 

Si jusqu’à Nafsi marziyye le croyant était mouride (aspirant à Son amour), là il devient mourade (celui qui est désiré de Lui).

 

Les rôles s’inversent, puisqu’à cette étape ce sont les attributs divins qui se mettent à la recherche du saint.

 

Comment savoir si le Nafsi marziyye obtenu par le soufi est parfait ou pas ?

 

C’est simple. Si les critiques qui lui sont adressées dans sa vie quotidienne le chagrine ou l’irrite, alors son Nafsi marziyye est imparfait. C’est une étape où l'on teste les saints en leur envoyant beaucoup d’adversités afin de jauger leur degré. Nous pouvons reproduire cet exemple pour d'autres points où le croyant en question éprouve une certaine sensibilité.

Nafsi marziyye et Baqa Billah

Selon la tradition, le Prophète Jonas aurait connu l’extinction en Lui lorsqu’il était emprisonné dans le ventre de la baleine. C’est après qu’il en fut délivré qu’il atteignit le stade de Baqa Billah (subsistance en Lui) pour aller prêcher auprès des gens de Ninive qu’il avait auparavant abandonné. 

 

Il en fut de même pour le Prophète Joseph, qui lui aurait atteint le Fana Fillah durant ses années de détention. Le Baqa Billah lui a été offert après sa délivrance afin de réaliser entièrement sa mission prophétique.

 

Nous voyons donc que le Fana Fillah a essentiellement lieu durant la période de retraite du cheminant. 

 

Au degré de Nafsi marziyye, le mouride devenu mourade réalise le Baqa Billah. C’est-à-dire qu’il revient à lui-même après s’être éteint en Lui pendant une période donnée. Sauf que maintenant, les attributs divins subsistent en lui, et il arrive à les contempler et à communiquer avec comme bon lui semble. Il reçoit l'autorisation d'aller rejoindre son ancienne vie.

 

Ce n’est pas parce que nous atteignons le Baqa Billah que nous devenons guide.

 

Tout le monde est amené à vivre son propre Baqa Billah. À certains il leur est demandé de guider, à d’autres de devenir seulement des bons conseillers...et il y en a qui sont appelés à vivre dans l’anonymat tout en réalisant leur Baqa Billah au sein de leur vie sociale et professionnelle. Il est primordial de ne pas se donner un rôle autre que celui voulu par Lui. 

 

Que Dieu donne l'opportunité à notre âme d'être agréée...amin.

Soumission, patience et endurance

Bien évidemment, ce n'est pas parce que le cheminant est arrivé à ce stade de découverte de son ego qu'il est préservé de tout danger. Dorénavant on attend de lui qu'il pacifie son nafs entièrement. Quand bien même son nafs puisse être agréée durant sa contemplation, ce dernier présente encore quelques carences. Nafsi marziyye n'est pas une fin en soi, le but est Nafsi safiyye (nafs pacifié). Pour atteindre cet état de conscience, il est nécéssaire pour le cheminant de traverser son propre enfer intérieur. En fait, il n'y a que les épreuves (personnalisées en fonction de nos points faibles) qui nous permettront de nous délivrer de nos imperfections constituant un voile entre Lui et nous. 

Connaître ses défauts, plonger au fond du gouffre, vivre son enfer personnel, nous préserve de l'arrogance et de la suffisance que nous pouvons avoir au sein de ce degré. 

C'est pourquoi, les épreuves nous sont nécessaires...

 

Si les débuts de Nafsi marziyye sont agréables, la suite l'est moins si nous persistons à commettre des erreurs fatales sur ce chemin. Fauter à Nafsi marziyye, c'est par exemple éprouver de la satisfaction en plus de nous en remettre à nos moyens et non plus à Lui. 

 

Dans un premier temps, ils veulent que nous abandonnions toutes nos connaissances cumulées durant le parcours et oublier tout ce que nous avons pu contempler et ressentir au sein de notre cheminement. Il s'agit d'une remise à zéro. Nous ne savons plus rien, nous n'avons rien vu, nous ne sommes que Ses faibles serviteurs dépendants entièrement de Son aide.

 

Si jusque-là contempler Ses manifestations était licite, à partir de cette étape de la voie cette pratique nous devient illicite.

 

S'ajoute à cela des épreuves personnelles qui varient en fonction de notre trait de caractère.

 

Nafsi radiyye nous inculque la notion de la satisfaction, Nafsi marziyye nous apprend trois qualités qui nous sont indispensables pour pacifier notre nafs : la soumission, la patience, et l'endurance. Notons que Nafsi marziyye va de pair avec Nafsi radiyye, dans le sens où le cinquième degré du nafs représente le point de chute de Marziyye. Des allers-retours fréquents ont souvent lieu entre les maqams. L'occupant de Nafsi marziyye a les armes nécessaires pour rebondir en cas de chute, et il les doit à toute la patience et à la satisfaction qu'il a appris à gérer lors de son passage à Nafsi radiyye. Les épreuves de Marziyye sont des rappels à l'ordre pour celui qui oublie que cette vie est une lutte perpétuelle, et que des qualités telles que la patience et la soumission lui sont indispensables s'il souhaite continuer à avancer dans son cheminement en Lui.

Ce n'est pas pour rien que le livre saint coranique nous enjoint à de multiples reprises de nous soumettre en plus de patienter et d'endurer. 

Se soumettre, c'est encaisser silencieusement les épreuves sans chercher à Le questionner. Parvenir à se laisser traverser par elles, en acceptant les douleurs morales et physiques qu'elles peuvent occasionner. 

Patienter consiste à trouver en Lui le courage pour supporter nos chagrins sans guetter leurs fins.

L'endurance renvoie à notre aptitude à résister avec constance à la souffrance engendrées par les épreuves (continuer la lutte intérieure sans ne rien changer à nos habitudes).

Nous pouvons nous soumettre, patienter, et endurer. Mais si nous retirons une quelconque satisfaction de cette force morale offerte par Lui, ces qualités nous seront retirées pour plonger de nouveau à Nafsi emmare. 

De Nafsi marziyye à Nafsi emmare : retour à la case départ

Pour connaître la valeur de Nafsi marziyye et de ce qui arrive ensuite, il est important de goûter de nouveau à notre Nafsi emmare. Il n'y a qu'en puisant dans son propre enfer que nous pourrons atteindre Nafsi safiyye. 

Devenir à la fin pur esprit face à nos imperfections et nos névroses, avouer notre condition humaine ainsi que notre faiblesse sans prétendre à la sainteté ou à des vertus morales telles que la soumission, la patience et l'endurance. 

Nous ne sommes RIEN et nous ne serons RIEN...

Si à Ses yeux notre nafs est agréée, à nos yeux il est et il restera à Nafsi emmare...

À force de s'en remettre à Lui (tawakkoul) Sa miséricorde finira par l'emporter pour nous faire connaître ce nouveau monde qui s'offrira à nous, à savoir celui de Nafsi safiyye. Malheureusement, les ouvrages soufis ont tendance à embellir et magnifier ce dernier degré. Soulignons que même à Nafsi safiyye nous resterons humains, et nous ne serons pas épargnés de nos défauts. C'est juste que nous aurons une meilleure connaissance de notre nafs et de Lui...


41. Et rappelle-toi Job, Notre serviteur, lorsqu'il appela son Seigneur : "Le diable m'a infligé détresse et souffrance".

42. Frappe [la terre] de ton pied : voici une eau fraîche pour te laver et voici de quoi boire.

43. Et Nous lui rendîmes sa famille et la fîmes deux fois plus nombreuse, comme une miséricorde de Notre part et comme un rappel pour les gens doués d'intelligence.

(Coran)

bottom of page