Nafsi emmare
1er degré du nafs, Nafsi emmare est décrit dans les ouvrages islamiques et soufis comme le « moi impérieux et blâmé ».
Il est cependant réducteur de limiter ce « moi » à un nafs qui passe son temps à désobéir à Dieu tout en recherchant à assouvir ses désirs charnels.
Le degré de Nafsi emmare est en réalité plus subtil que cela.
Nafsi emmare ce n’est pas seulement le « nafs » du pêcheur mécréant ou du croyant qui se tient loin de toute pratique religieuse. Nous avons tous en nous un Nafsi emmare qui sommeille dans les ténèbres de notre âme. Il n’est peut-être pas perceptible, mais il est là, quand bien même il soit occulté.
C’est juste que Dieu, par Sa grâce, préserve Ses connaisseurs et les aspirants de l’apparition (ou de la réapparition) de Nafsi emmare.
Même les saints peuvent faire des allers-retours entre Nafsi emmare et le degré spirituel qui leur a été octroyé par Dieu.
Croyant ou pas, toute âme qui prend du plaisir à commettre le mal en tout genre sans s’autocritiquer, se trouve à Nafsi emmare.
Mais encore faut-il parvenir à définir ce qu’est le mal. Qu’est-ce le mal ? Qu’est-ce qui est mal ? La conception du mal diffère selon les gens, les religions, les sociétés, les pays, les Etats, les civilisations...
D’un point de vue soufi, se trouve dans une position blâmable toute âme déconnectée de Dieu qui ne se remet pas en question. Cette même âme qui place ses objectifs mondains et égoïstes au-dessus de la quête de la face de Dieu.
Nous pouvons nous considérer comme croyant, mais ressentir en nous des attachements maladifs, des attentes, des peurs…
L’idolâtrie moderne ne consiste pas à adorer des statues. L’idolâtrie moderne c’est de permettre à nos mémoires poisons d’occuper de la place en nous, d’adorer notre ego, et nous pouvons citer d’autres milliers de formes d’idolâtrie. Chaque individu adore des idoles propres à lui, c’est pour cela qu’il ne serait pas non plus correct d’essayer d’identifier toutes les formes d’idolâtrie puisqu’elles sont différentes selon les personnes.
Il est normal d’aimer, de s’aimer, de s’attacher, c’est notre condition humaine qui veut cela. Mais selon les soufis, il n’est pas normal que nos attachements, nos attentes ainsi que notre individualité prennent le dessus sur notre quête du divin.
Le problème, c’est que les ouvrages soufis nous décrivent le Nafsi emmare comme appartenant à l’homme égoïste qui passe son temps à s’amuser et à se distraire tout en esquivant ses responsabilités religieuses.
Nafsi emmare, c’est plus profond que la description banale et simpliste que l’on nous a proposé jusqu'à aujourd'hui.
Ne pas prendre en compte ses torts vis-à-vis de soi-même et des autres c’est du Nafsi emmare. Ne pas avoir conscience des mémoires poisons qui résident en nous, c’est aussi du Nafsi emmare.
Mais ce qui distingue le plus Nafsi emmare des autres nafs, c’est qu’il ne met jamais en place les moyens de se pacifier pour s’approcher du Seigneur.
Chaque degré du nafs a son propre Nafsi emmare. Chaque degré du nafs a ses propres points faibles. Dieu a des attentes différentes selon le degré du nafs où nous nous trouvons.
Le Nafsi emmare de Levvame (l’emmare de l’âme qui se blâme)
C’est le propre de Nafsi levvame de sombrer de nouveau dans ses vieilles habitudes, puis de s’autocritiquer.
S’il y a bien un nafs qui fait constamment des allers-retours à Nafsi emmare, c’est Levvame.
Le Nafsi emmare de Mulhime (l’emmare de l’âme inspirée)
Arrivé à Mulhime, même les mauvaises pensées peuvent jouer en défaveur de l’aspirant. A ce stade, il ne s’agit plus de s’éloigner physiquement des mauvaises habitudes, il s’agit avant tout de parvenir à scruter son cœur et à analyser ses pensées.
Une pensée de travers peut conduire à Emmare.
Ce qui joue le plus souvent en défaveur de Mulhime :
- penser être accompli;
- attacher de l’importance à ses rêves et autres ouvertures spirituelles;
- juger les autres aspirants, les autres croyants, et les incroyants;
- attacher trop d’importance aux pratiques religieuses et confrériques, au point de les voir comme unique condition pour s’approcher du divin;
- rechercher les états de plénitude;
- l’absence de stabilité émotionnelle, psychique, et spirituelle.
Le Nafsi emmare de Moutmainn (l’emmare de l’âme apaisée)
Nafsi moutmainn est très bénéfique pour l’aspirant au début, mais au fur et à mesure des années il peut l’induire en erreur.
Qu’est ce qui distingue Moutmainn de Mulhime ? La stabilité spirituelle. Mulhime n’est pas un nafs stable dans sa connexion à Dieu et au Prophète. Moutmainn l’est. Moutmainn est apaisé parce qu’il a fait le point avec lui-même, sa vision de l’islam et la shahada. De par ce fait, il contemple constamment la lumière du Prophète (Nourr Muhammad) et commence peu à peu à contempler les attributs divins. C’est le degré du Fana Fi Rassoul, et les débuts du Fana Fillah.
Mais Moutmainn reste un terrain dangereux. Et si on tombe on peut se faire très mal.
C'est de Moutmainn que sortent tous les faux cheikhs, les faux messies, les marabouts, les gourous, les anciens soufis reconvertis dans la médiumnité etc...
Beaucoup de Moutmainns pense que leur cheminement est terminé, et s’imaginent qu’ils doivent prouver aux autres leur degré spirituel.
Pourquoi Moutmainn est dangereux ?
Parce qu’ici tout est décuplé :
- la connexion Divine est décuplée;
- les visions angéliques sont décuplées;
- les perceptions extra-sensorielles sont décuplées.
Autant de félicités spirituelles qui peuvent faire chuter l'aspirant de Moutmainn à Emmare, s’il ne sait pas s’en servir correctement pour pacifier son nafs.
La satisfaction, voilà ce qui manque à Moutmainn pour parvenir à avancer dans son cheminement.
Le Nafsi emmare de Radiyye (l’emmare de l’âme satisfaite)
Les erreurs qui peuvent conduire Radiyye à Emmare :
- la recherche du confort;
- préférer la vision du Paradis à la contemplation des attributs divins durant la Moushahada (contemplation);
- l’abandon du lâcher-prise;
- l’insoumission face à une épreuve.
Le Nafsi emmare de Marziyye (l’emmare de l’âme agrée)
Les émotions qui peuvent conduire Nafsi marziyye à Emmare (ce qui était auparavant toléré, ne l’est plus à partir de cette étape) :
- la peur d’être critiqué;
- le désir de tout contrôler;
- la peur du futur;
- la peur de l’indifférence.