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Chaque degré a son propre nafs

Chaque degré d’élévation spirituelle possède son propre nafs, avec ses appréhensions, ses illusions et ses propres écueils. À mesure que l’aspirant progresse sur la voie, il se confronte à des aspects inédits de son ego, des facettes qu’il ignorait jusqu’alors, mais qui, pourtant, ont toujours été en lui.

Celui qui parvient à discerner la nature véritable du nafs qui domine son état spirituel est en passe d’atteindre une connaissance plus profonde de son Seigneur. Car se connaître soi-même, dans l’authenticité la plus absolue, c’est amorcer le chemin vers la connaissance divine.

Il ne faut point croire qu’un nouveau degré spirituel engendre un nouveau nafs. Il s’agit toujours du même ego, qui se révèle simplement sous un jour différent, mettant en lumière des dimensions insoupçonnées de l’être. Chaque étape du cheminement est une plongée plus profonde dans l’obscurité de l’âme, là où se cachent des désirs refoulés, des peurs inexprimées et des tentations subtiles. Ainsi, l’élévation ne consiste pas en une rupture avec ce que l’on était auparavant, mais en une prise de conscience progressive des méandres de notre propre nature.

Toute délivrance repose en partie sur nos efforts, mais surtout sur la grâce divine. Car si la volonté de l’homme est nécessaire pour entreprendre ce combat intérieur, elle demeure impuissante sans l’assistance du Très-Haut. C’est Lui qui, en dernier recours, accorde la libération à celui qui persévère avec sincérité dans la quête de la paix intérieure.

En Soufisme, la connaissance du nafs ne saurait être dissociée de l’effort pour le pacifier. Comprendre ses tendances, en saisir les ruses et les subtilités, c’est déjà amorcer le travail de purification. Celui qui, avec sincérité, s’engage dans cette lutte intérieure, peut espérer qu’un jour, par Sa miséricorde, il sera délivré des entraves du moi inférieur.

Les maîtres soufis du passé, dans leur désir de prévenir les gens des pièges de l’ego, ont souvent réduit le nafs à une entité vulgaire, simple réceptacle des passions les plus basses, cherchant uniquement à satisfaire ses désirs sensuels et à fuir les obligations religieuses. Certains l’ont même assimilé au diable lui-même, faisant de lui l’ennemi absolu de l’aspirant.

Or, la réalité du nafs est d’une subtilité infinie. Il ne se limite pas aux désirs charnels ou aux plaisirs immédiats. Il se dissimule dans des formes bien plus insidieuses : l’orgueil spirituel, la complaisance dans les bonnes œuvres, le désir de reconnaissance, l’illusion de la maîtrise de soi. Il est si complexe que chaque être humain possède un nafs qui lui est propre, façonné par son histoire, ses aspirations et ses failles.

Il est d’ailleurs aussi déroutant que la réalité des attributs divins déposés en nous. De même que nous portons en nous des reflets de Sa lumière, nous abritons également les ombres de notre propre nafs, et c’est dans la confrontation avec ces ténèbres que s’opère la véritable purification de l’âme.

L’élévation spirituelle n’est donc pas une simple ascension linéaire, mais un voyage intérieur, semé d’embûches et d’illuminations. Seule une vigilance constante, alliée à l’humilité et à la remise confiante à Sa volonté (Tawakkoul), permet d’entrevoir les portes de la libération véritable.

© 2018 par Confluent

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