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Baqa Billah, c'est quoi au juste ?

Il est important de comprendre qu'il existe deux formes d'imagination distinctes : l'imagination de l'âme (nafs), couramment appelée l'imagination du mental, et l'imagination de l'esprit (ruh), une forme intuitive et créatrice. Tout le chemin suivi par les soufis vise à cultiver cette imagination créatrice jusqu'à atteindre la capacité de contempler la lumière de la réalité Muhamedienne et les attributs divins. Nous avons développé ce sujet en détail dans notre article intitulé "Contemplation".

Maintenant, explorons la signification du terme "Baqa Billah". Comme c'est souvent le cas avec d'autres concepts soufis, de nombreux écrits abondent en descriptions exagérées, théoriques et obsolètes. La lecture de ces descriptions peut nous donner l'impression que celui qui atteint le Baqa Billah devient un être surhumain fusionné avec Dieu. Cependant, il ne faut ni se laisser décourager ni s'illusionner par ces définitions, car elles pourraient nous faire croire à une union totale avec l'essence divine, ce qui n'est pas réalisable.

Il est possible de contempler des aspects fragmentaires de l'essence divine, mais jamais son ensemble. En revanche, la contemplation des noms et des attributs divins, qui sont des manifestations de cette essence, est accessible grâce à l'imagination créatrice.

Pour expérimenter le Baqa Billah, il est nécessaire d'atteindre une union. Mais avec qui cette union s'établit ? Avec notre Seigneur personnel (Rabb). Ce Rabb personnel, adapté à chacun d'entre nous, attend simplement d'être découvert par nous-mêmes. Dans un premier temps, cette rencontre Se manifestera dans le champ de notre esprit, grâce à l'imagination créatrice. Puis, ce Rabb personnel cherchera à occuper une place de plus en plus importante en nous, jusqu'à Se manifester à travers notre propre être.

Le Baqa Billah se traduit par l'expression de notre nature divine, incarnée par notre Rabb personnel. Cet état ne perdurera pas constamment tout au long de la journée. Au début, il se manifestera de manière sporadique, puis régulièrement, jusqu'à atteindre un stade où nous pourrons contrôler son apparition. Le Baqa Billah consiste à voir, marcher, entendre, et toucher le monde avec la présence de notre Rabb personnel qui réside en nous.

Pendant cette période où Il se manifeste à travers nous, notre identité individuelle s'efface pour fusionner avec l'infini, celui qui n'a ni commencement ni fin.

 

Quelle est la différence entre le Fana Fillah et le Baqa Billah ? Dans le Fana Fillah, l'aspirant qui a atteint Nafsi marziyye explore, médite et contemple sa relation avec son Rabb personnel, tandis que dans le Baqa Billah, l'aspirant qui a atteint Nafsi safiyye redécouvre le monde grâce à une union périodique (non continue) avec son Seigneur personnel.

En fin de compte, qu'est-ce qui distingue Pharaon de Mansur Al-Hallaj, puisque les deux s'étaient auto-proclamés Dieu ? La différence réside dans le fait que Pharaon avait lui-même revendiqué être Dieu par l'intermédiaire de son propre ego, tandis que Mansur Al-Hallaj, à travers sa célèbre phrase "Anal-Haq" ("Je suis la Vérité"), n'avait pas affirmé être Dieu lui-même, mais plutôt que cette proclamation émanait de son esprit, exprimant la nature divine qui résidait en lui. En fait, Mansur Al-Hallaj avait cédé la place à cette nature divine lorsqu'il avait prononcé cette phrase.

N'omettons pas de dire que la découverte de son propre Rabb personnel est déconcertante, car elle transcende les dogmes et les représentations traditionnelles de Dieu dans les religions monothéistes. C'est pourquoi il est essentiel de maintenir un ancrage continu dans la contemplation de la réalité Muhamedienne, afin de conserver un lien avec les principes de la Sharia.

À présent, accordons une méditation profonde aux versets coraniques de la Sourate 2 (Al Baqara) :

30. Lorsque Ton Seigneur confia aux Anges: « Je vais établir sur la terre un vicaire (khalifah) ». Ils dirent: « Vas-Tu y désigner un qui y mettra le désordre et répandra le sang, quand nous sommes là à Te sanctifier et à Te glorifier ? » -Il dit: « En vérité, Je sais ce que vous ne savez pas ! »

 

34. Et lorsque Nous demandâmes aux Anges de se prosterner devant Adam, ils se prosternèrent à l'exception d'Iblis qui refusa, s'enfla d'orgueil et fut parmi les infidèles.

Il convient de noter que Dieu ne sollicita pas des Anges une vénération directe à l'égard d'Adam en tant qu'entité individuelle, mais plutôt envers la divinité manifestée en Adam. Par conséquent, cette vénération fut, en essence, un acte de dévotion à l'égard de Dieu Lui-même. Une étude plus approfondie des versets subséquents de cette même sourate éclaire davantage cette perspective :

31. Et Il apprit à Adam tous les noms (de toutes choses), puis Il les présenta aux Anges et dit: « Informez-Moi des noms de ceux-là, si vous êtes véridiques ! » (dans votre prétention que vous êtes plus méritants qu'Adam).

32. Ils dirent: « Gloire à Toi ! Nous n'avons de savoir que ce que Tu nous a appris. Certes c'est Toi l'Omniscient, le Sage. »

33. Il dit: « Ô Adam, informe-les de ces noms ; » Puis quand celui-ci les eut informés de ces noms, Allah dit: « Ne vous ai-Je pas dit que Je connais les mystères des cieux et de la terre, et que Je sais ce que vous divulguez et ce que vous cachez ? »

Le terme "noms" est ici à appréhender comme une référence aux noms divins qui se manifestent à travers Adam, une connaissance qui était jusqu'alors hors de portée des Anges.

Il leur fut donc prescrit d'honorer la révélation des noms divins qui se manifestait en Adam, car lui seul était investi de la faculté de les incarner, et à travers lui, en tant que reflet du divin, le Seigneur contemplait Ses attributs transcendantaux.

Adam (l'être humain) ne saurait être simplement considéré comme un simple vicaire sur terre, mais plutôt comme le reflet à travers lequel l'Essence divine s'observe au travers de Ses noms et attributs. Tel est le fondement de l'ordre donné aux Anges de L'adorer.

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