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Contemplation

Déjà avant d'évoquer la contemplation, remémorons-nous de la citation du célèbre Ibn'Atâ-allah Al-Iskandarî qui disait : "Observer les défauts cachés en toi vaut mieux pour toi que scruter les mystères qui te sont voilés."

En effet, apprenons à connaître notre nafs avant de contempler. La connaissance des imperfections de notre nafs nous sera plus bénéfique que tout le reste (cf. La clé pour franchir les degrés du nafs). Contempler peut même s'avérer être très dangereux pour celui qui n'a pas conscience des défauts de son nafs.

Qu'est-ce que contempler ?

 

Contempler, c'est voir avec les yeux du coeur à une intensité tellement forte, que l'on s’imagine voir avec les yeux physiques.

 

Cependant, la contemplation est une notion assez vaste qui mérite plus d'explications.

 

La contemplation s'opère sous quatre plans, qui représentent selon les maîtres soufis des mondes hiérarchisés :

 

  • la contemplation du nasut, le monde humain;

  • la contemplation du malakut, le monde des âmes immatérielles;

  • la contemplation du jabarut (englobant le malakut), le monde des noms divins;

  • la contemplation du lahut (englobant tous les royaumes), le monde de l'essence divine, mais aucun homme en cette vie ne peut le contempler totalement. Il n'y a que des fragments de cette essence qui lui seront dévoilés lors de sa contemplation.


Cette contemplation s'opère via la plateforme de l'imagination créatrice. Son point de départ a lieu dans l'éducation soufie avec la rabita qui consiste pour le mouride à visualiser au début de son parcours spirituel son cheikh. 


Avec cette pratique, l'aspirant est incité à travailler son imagination créatrice. À force de persistance et avec l'aide de la grâce divine, la rabita lui ouvrira les portes des autres plans de contemplation que nous allons détailler ci-dessous.

La contemplation du nasut (le monde des phénomènes sensibles)

 

Ce monde enveloppe tout ce que nous voyons chaque jour dans notre quotidien avec nos yeux physiques. Tout ce qui entre dans le degré de la matière et des éléments sensibles y sont intégrés tels que le monde humain, les règnes minéral, végétal, animal, les étoiles, les sphères ainsi que les cieux astronomiques. 

 

C'est le point initial du cheminement spirituel, ainsi que de toutes formes de contemplation, puisque c'est à partir de ce plan sensible et grossier que l'homme commence son cheminement vers son trésor intérieur. Mais ce monde est également le point final, dans le sens où l'être éveillé contemple les noms divins et l'essence divine s'épiphaniser sur les humains ainsi que sur les autres êtres vivants. La révolution complète du cycle de l'être a lieu sur ce plan.

 

La contemplation du malakut (le monde des âmes immatérielles)

 

Pour beaucoup d'aspirants, la rabita (pratique qui consiste à visualiser son cheikh afin de bénéficier de ses influx spirituels) est la porte d'entrée du malakut.

Certains, ont accès à la contemplation de ce monde sans nécessairement l'aide d'un cheikh. 

 

Mais que représente le malakut ? Le malakut est le monde des mystères dans la cosmologie islamique comprenant les âmes des humains, les anges, les démons ainsi que les djinns. 

C'est sur ce plan qu'il est possible d'entrer, selon les maîtres soufis, en contact avec un saint, ou l'esprit d'un prophète. Ce plan peut se dévoiler aussi bien à l'état de veille qu'à l'état de sommeil. Il est important de préciser que le malakut est le miroir du jabarut, aussi appelé le monde des pures intelligences où se reflètent les noms divins, dans le sens où les attributs divins se servent de ce support pour apparaître. 

 

L'accès à ce plan de contemplation peut être aussi bien une grâce qu'un danger. 

 

Il est un danger s'il fait défaut à la véritable proximité divine. En effet, beaucoup de mediums, d'aspirants pensant être bien guidés, de voyants, s'en servent uniquement pour avoir des visions et non des contemplations mystiques. Par vision, nous entendons toute possibilité d'entrer en communication avec des âmes, avoir des renseignements sur le passé et l'avenir de certaines personnes, la manipulation des énergies à distance, etc.

 

C'est pourquoi il est important dans le malakut de connaître et de suivre les inspirations divines de l'esprit, de sorte que le coeur puisse être une plateforme suffisamment dégagée pour accueillir la contemplation de la beauté et de la majesté divine. Ainsi, il est préférable pour un cheminant d'avoir accès au malakut qu'à travers le jabarut (qui engloble le malakut), en effet l'accès au malakut via la contemplation des noms divins et de la lumière mohamedienne préservera le mouride des mauvais esprits trompeurs voguant dans ce royaume. Il arrive souvent que des mourides aient accès au plan du malakut en début de parcours avant le jabarut, et cela freine leur parcours puisqu'ils sont pris au piège des illusions se manifestant dans ce plan. Le bon maitre soufi est celui qui fait découvrir à son mouride la contemplation des fragments du lahut avant le jabarut, puis le jabarut avant le malakut (répétons-le, le jabarut comprend le malakut).

 

La contemplation du jabarut (le monde des attributs divins)

 

La contemplation de la réalité mohamedienne est la porte d'entrée du jabarut. C'est la contemplation de la lumière prophétique qui prépare l'aspirant à contempler les attributs divins. 

 

Les maîtres soufis appellent ce monde, le degré de l'unité-plurale puisqu'il permet le mariage des noms et des attributs divins. Le support de ce monde est le malakut.


Je détaille mieux ce monde sur d'autres pages du site (cf. article les attributs divins du 21ème siècle, article le secret des attributs divins).

 

Dans ce plan, l'aspirant observe l'essence se manifester à travers des noms et des attributs, en accord avec sa nature et ses inclinations spirituelles. Il contemple alors son alter ego divin (son Seigneur "Rabb" personnel) depuis cette sphère. Il est important de noter que les attributs divins perceptibles dans le jabarut ne constituent en aucun cas l'essence elle-même (qui ne peut être pleinement contemplée), mais plutôt son reflet qui se manifeste en nous.

 

La contemplation du lahut (le monde de l'essence divine) 

 

Le lahut englobe l'ensemble des mondes. Il n'est pas nécéssaire d'atteindre un certain degré de réalisation pour le percevoir, puisqu'un fragment de l'essence divine peut se dévoiler à l'aspirant quel que soit son maqam du nafs et les mondes qu'il ait pu auparavant contemplé.

 

Qu'est-ce que contempler l'essence ?

 

Contempler l'essence, c'est regarder sans voir. 

 

C'est une aberration de dire que l'être réalisé puisse contempler la globalité de l'essence en ce monde. Non, il y contemple des fragments de Son essence, c'est tout. Même des grands prophètes n'ont pas eu accès en cette vie à la contemplation de l'essence divine. 

 

Il est aussi aberrant de penser que le nafs s'éteint dans ce degré et que l'union divine s'y opère. Le nafs nous l'aurons à vie, et par union il faut y voir seulement une grande proximité dans le sens où nous avons l'impression de Le contempler plus près que nous-même.

 

Contemplons-nous l'essence avant les attributs ? Contemplons-nous les attributs avant l'essence ?

 

Il s'agit d'une opinion strictement personnelle, pour certains des fragments de l'essence peuvent apparaître en contemplation bien avant la vision des attributs. Voir des fragments de l'essence préserve du tumulte des attributs nous délivrant leurs secrets. Ces fragments donnent force et espoir en cours de parcours sans pour autant représenter un danger quelconque. 

 

L'essence est indescriptible. Nous avons l'impression de voir. Mais voir quoi ? Il s'agit du sans-forme que la raison humaine ne pourrait jamais cerner. C'est pourquoi Jonayd dit que le soufisme consiste à regarder sans voir. 

 

En réalité le but est de se libérer de la recherche de l'essence et des apparences en saisissant Son empreinte dans toutes Ses manières de procéder. 

 

Je veux dire par là, que quel que soit le monde contemplé, l'important est de parvenir à contempler Son unité derrière toutes Ses apparences et autres dévoilements. 

Ci-dessous un extrait du Tao Te King de Lao Tseu qui décrit formidablement bien la contemplation des fragments de Son essence qu'il désigne comme étant le Tao :

"Vous le regardez et vous ne le voyez pas : on le dit incolore.

Vous l’écoutez et vous ne l’entendez pas : on le dit aphone.

Vous voulez le toucher et vous ne l’atteignez pas : on le dit incorporel.

Ces trois qualités ne peuvent être scrutées à l’aide de la parole. C’est pourquoi on les confond en une seule.

Sa partie supérieure n’est point éclairée ; sa partie inférieure n’est point obscure.

Il est éternel et ne peut être nommé.

Il rentre dans le non-être.

On l’appelle une forme sans forme, une image sans image.

On l’appelle vague, indéterminé.

Si vous allez au-devant de lui, vous ne voyez point sa face ; si vous le suivez vous ne voyez point son dos."

Un autre extrait du Tao Te king où Lao Tseu évoque les multiples attributs du jabarut (le monde des attributs) émanant du lahut (le monde de l'essence) pour rejaillir dans le nasut (le monde des phénomènes sensibles) :

"Les formes visibles de la grande Vertu émanent uniquement du Tao.

Voici quelle est la nature du Tao.

Il est vague, il est confus.

Qu’il est confus, qu’il est vague !

Au-dedans de lui, il y a des images.

Qu’il est vague, qu’il est confus !

Au-dedans de lui il y a une essence spirituelle. Cette essence spirituelle est profondément vraie.

Au-dedans de lui, réside le témoignage infaillible (de ce qu’il est) ; depuis les temps anciens jusqu’à aujourd’hui, son nom n’a point passé.

Il donne issue (naissance) à tous les êtres.

Comme sais-je qu’il en est ainsi de tous les êtres ?

(Je le sais) par le Tao."

Contemplation des mondes en fonction du degré du nafs

En dehors du nasut, qui peut être vu par tous les hommes quel que soit leur degré de réalisation, l'impact de la contemplation des autres plans diffère selon les stations du nafs.

 

Il est également important de noter qu'en contemplant un plan, ce n'est pas tout le plan entier qui se dévoile, mais seulement une partie en fonction de notre prédisposition spirituelle.

 

Nafsi emmare

 

Nafsi emmare peut contempler le malakut. Comme nous l'avons dit plus haut, la contemplation de ce monde par ce nafs fera entièrement défaut à la proximité divine. Via les pouvoirs procurés par la vision de ce plan, c'est son nafs qui se renforcera et non son esprit. 

 

Nafsi levvame

 

Nafsi levvame peut également contempler le malakut, la vision de ce monde peut soit l'aider à s'améliorer ou soit l'enfoncer dans le degré du nafs inférieur. 

 

Nafsi mulhime

 

Nafsi mulhime peut non seulement contempler le malakut, mais il peut également s'en servir pour renforcer son attachement au cheikh auquel il est rattaché. Il s'agira ici pour lui de focaliser ses efforts sur sa rabita (visualisation du maître) pour passer aux étapes supérieurs. Le cheminant situé à Nafsi mulhime est préservé que s'il contemple des fragments du lahut sans passer par le malakut.

 

Nafsi moutmainn

 

Nafsi moutmainn maîtrise parfaitement bien la contemplation de son propre malakut. Son but est de dépasser ce stade pour accéder à la contemplation de la réalité mohamedienne ainsi qu'à la vision des fragments de l'essence divine (lahut) se dévoilant à lui. Les attributs de la beauté et de la majesté divine ainsi que le Fana Fi Rassoul, sont les forces sur lesquelles il devra s'appuyer pour pacifier son nafs. Comme pour Nafsi mulhime, le cheminant sera préservé que s'il contemple des fragments du lahut sans passer par le malakut. Sa seule autre contemplation permise (et fortement recommandée !!!) est la lumière mohamaedienne du jabarut.

 

Nafsi radiyye

 

Nafsi radiyye n'attache aucune importance à la vision du malakut. Il désire seulement être satisfait de Lui en persistant à contempler quelques fragments du lahut ainsi que la lumière mohamedienne se manifestant au jabarut.

 

Nafsi marziyye

 

La vision du jabarut (monde des attributs divins) démarre à ce stade (cf. article Nafsi marziyye).

Fana et contemplation

Fana dans le nom

 

Il s'agit du premier Fana vécu par le cheminant, le Fana dans Son nom. Celui-ci se produit durant la récitation de Son nom (dhikr) donné

par le cheikh. Le mouride ne Le contemple pas à ce stade. Le Fana dans le nom a lieu à partir de levvame et mulhime, et il se produit dans le monde du nasut.

Fana dans la forme

 

Dans ce Fana, la récitation du nom devient un voile. Le mouride contemple directement Ses attributs. Le Fana dans la forme a lieu dans le degré de marziyye, et il se produit dans le monde du jabarut. 

Fana dans le sans-nom et le sans-forme

 

Ici la forme devient un voile. Le mouride contemple des fragments de Son essence. Le Fana dans le sans-nom et le sans-forme peut se manifester dans n'importe quel degré du nafs à partir de mulhime. Le monde concerné est le lahut. Le Fana dans le sans-nom et le sans-forme peut avoir lieu avant le Fana dans la forme. Ses manifestations ne suivent pas un ordre précis, et elles dépendent des prédispositions du mouride.

Quelques précisions

Le bon Mourshid dévoile au mouride les différents plans de contemplation en sens inverse. 

 

En effet, si le premier voile nous sépare du monde du malakut, la levée du dernier voile donne accès aux fragments du lahut (l’essence).

 

Faire plonger directement le mouride dans le monde du malakut est extrêmement dangereux, car ça reste un terrain glissant où sévissent des djinns joueurs ainsi que beaucoup de réalités illusoires. 

 

De plus, immerger le cheminant dès ses premières années de parcours dans le malakut (alors qu’il n’a pas encore pleinement conscience de son nafs et de ses mémoires poisons) peut lui faire croire qu’il est parvenu à destination. Cette simple croyance d’avoir parcouru la voie peut nous faire dangereusement chuter (que Dieu nous en préserve).

 

C’est pourquoi il existe beaucoup de marabouts ou de médiums qui se mettent à vendre leurs services (ce qui est très grave) pour partager les visions et pouvoirs qu’ils obtiennent en contemplant des parcelles du malakut.

 

Le malakut est un voile qui nous sépare de Sa contemplation et de Son amour. 

 

Durant les premières années, il faut faire goûter au mouride le malakut seulement pour renforcer sa rabita (visualisation à distance) sur le mourshid ou la lumière mohamedienne (qui survient après). Toujours est-il qu’il est permis de lui dévoiler le malakut dans ses rêves afin de le motiver à poursuivre sa quête. Le malakut ne doit donc servir que comme support pour la rabita.

 

Ci-dessous les étapes d’une évolution saine dans le parcours soufi. Pour cela il faut que le Mourshid soit accompli et bien intentionné, et que le mouride soit sincère dans sa recherche de la satisfaction divine.

 

1. Rabita sur le cheikh dans le malakut. Ça aidera le mouride à travailler son imagination créatrice dans des conditions saines, en étant préserver des tumultes du malakut. Ainsi le malakut ne doit être utilisé que dans le but de perfectionner son rattachement au Mourshid (via la Rabita).

 

2. Contemplation naturelle des fragments du lahut (de préférence Sa beauté pour protéger le mouride d’une contemplation de Sa rigueur qui pourrait être trop dur à supporter).

 

3. Contemplation de la lumière mohamedienne dans le malakut.

 

4. Contemplation des attributs divins du jabarut se réfléchissant sur le malakut. Ici le mouride perfectionne son imagination créatrice. Il est important de préciser que les noms divins ont besoin du malakut pour se manifester.

 

5. Dévoilement du malakut en fonction des prédispositions du mouride après qu’il ait eu pleinement connaissance de son nafs, ainsi que des ruses divines pouvant le faire ralentir. 

 

Le malakut est un voile. Ce qui nous importe est (la contemplation de) Sa face ainsi que Sa satisfaction.

© 2018 par Confluent

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